Marché du travail
2030 : le choc des talents est-il une fatalité ?
Adapter la main-d’œuvre au marché du travail, c’est le défi que doit relever l’économie française dans les dix ans qui viennent, selon une étude du cabinet conseil Korn Ferry.
Publié le 11/06/2018 • Mis à jour le 08/03/2022
La France va-t-elle manquer de diplômés en 2030 ? C’est un scénario probable si rien n’est fait d’ici là. C’est en tous cas le constat que dresse une récente étude du cabinet américain Korn Ferry, spécialisé dans la gestion internationale des talents et des organisations. Selon lui, la France fait partie des quatre pays au monde les plus touchés par cet écart entre l’offre de compétence des salariés et la demande des entreprises. D’ici 2030, notre économie devrait ainsi avoir un surplus de 1,7 million de salariés ayant un niveau de formation peu élevé, alors qu’1,5 million de salariés hautement diplômés pourraient manquer sur le marché du travail. Ce qui pourrait représenter une perte de 175 milliards d’euros pour l’économie française.
L’impact de la crise économique
Pour obtenir ces résultats, Korn Ferry a évalué l’écart entre l’offre à venir des compétences (en prenant en compte les différents niveaux d’études des individus) et la demande des entreprises dans trois secteurs clés (services financiers, industrie et télécommunication). Le secteur des services financiers devrait être le plus touché, avec une perte potentielle évaluée à près de 50 milliards d’euros d’ici à 2030 – soit l’équivalent de 6% du secteur. Le domaine des télécommunications et le secteur industriel seraient également concernés, avec des manques à gagner respectifs de l’ordre de 8,8% (13 milliards €) et 3,5% (8 milliards €).
Pour le cabinet, cette pénurie est une conséquence directe de la crise économique. Les entreprises ont différé la formation de leurs salariés en se focalisant sur l’innovation technologique et la réduction des coûts. « Quand on parle de compétences, le niveau de formation initiale reste le plus déterminant. Seuls les États sont en mesure d’avoir un impact dessus », juge Gérald Bouhourd, directeur associé en charge de l’activité industrie chez Korn Ferry. Un appel du pied au gouvernement afin de résorber l’écart entre le système scolaire et le monde de l’entreprise, qui requiert plus que jamais de la transversalité en termes de compétences, ainsi qu’une forte agilité.
1.7
million
C’est le nombre de salariés ayant un niveau de formation peu élevé que l’économie française devrait avoir en surplus d’ici 2030.
Investir dans la formation
Selon les experts de Korn Ferry, un plan de développement des compétences est essentiel. Pour Pascal Gibert, directeur général de Korn Ferry France, « avoir les bonnes personnes aux bons endroits et aux bons moments est le principal avantage compétitif pour une organisation. »
Un avis partagé par Gérald Bouhourd : « Il faut remettre les compétences humaines au cœur de la stratégie à long terme des entreprises. Les bouleversements technologiques et économiques se font désormais très rapidement, mais les compétences et les connaissances des salariés n’ont pas suivi le même rythme et ne sont aujourd’hui plus en adéquation avec les besoins des entreprises. » Encore trop rares sont les salariés qui sollicitent, en effet, et bénéficient de formation(s) durant leur carrière pour cultiver leur employabilité. En France, seulement 32% des adultes ont suivi une formation liée à l’emploi ces 12 derniers mois, et ce taux s’élève à 12% chez les personnes peu qualifiées.
D’après l’analyse de Korn Ferry, les entreprises qui sortiront mieux leur épingle du jeu seront celles qui investissent dans l’innovation, dans les technologies digitales, mais aussi dans des formats organisationnels et culturels ; celles qui investissent massivement dans la formation pour adapter les compétences aux nouveaux enjeux (montée en puissance du digital, mobilité, recentrage sur le client) ; celles qui valorisent et développent la capacité d’adaptation et d’apprentissage des individus face à de nouvelles situations et de nouveaux environnements.
N.S.