4 – La banque en renaissance perpétuelle face aux nouvelles technologies
Toujours annoncée comme terrassée par les innovations technologiques, la banque, menacée dans son cœur de métier et ses compétences par les GAFA et la blockchain, peut ne pas perdre la guerre technologique. Ses investissements dans les nouvelles technologies et ses critères de recrutement des jeunes conditionnent son avenir d’ici 2025.
Publié le 09/06/2017 • Mis à jour le 13/03/2018
Depuis des années, à chaque innovation technologique, les prévisions les plus alarmistes pleuvent sur le secteur de la banque et des assurances. De la carte à puces au distributeur automatique, du 3615 aux banques en ligne en passant par Paypal, et aujourd’hui Google, Apple et la blockchain, la mort de la banque (et des assurances) a été annoncée de nombreuses fois. France Stratégie vient pourtant de montrer comment, dans un secteur hyper menacé technologiquement, les effectifs et le contenu des métiers se sont constamment adaptés.
« L’installation de distributeurs automatiques de billets (DAB) a profondément modifié les besoins en main-d’œuvre dans le secteur bancaire, explique ainsi Nicolas Le Ru. Dans un premier temps, le déploiement des DAB — qui sont passés de 5 000 sur le territoire en 1983 à près de 60 000 fin 2013 — a diminué le coût d’exploitation des agences bancaires, et leur nombre a alors augmenté. Puis le développement des services de banque en ligne et l’apparition des modes de paiement sans contact — qui limitent les besoins en liquidités — ont stoppé le déploiement des DAB et réduit le nombre des agences bancaires. Ainsi, ces évolutions technologiques n’ont eu des conséquences négatives sur les effectifs d’employés de la banque et des assurances qu’à partir du début des années 1990 ».
En observant plus finement le phénomène, on s’aperçoit que la nature de ces métiers s’est considérablement modifiée et que se sont développés une majorité d’emplois en contact avec le public, autrement dit peu ou pas automatisables. La révolution numérique n’a pas seulement détruit certains emplois, elle en a également créé d’autres dans des métiers non automatisables.
Le futur du secteur bancaire
Est-ce que cela va se reproduire ? C’est possible. C’est en tout cas l’enjeu, selon une étude du BIPE pour l’Observatoire des Métiers de la Banque (1) car, une fois de plus, comme le soulignent Les Echos, « les banques françaises s’attendent à des années difficiles ». La raison ? Les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), dont la montée en puissance pourrait, avec l’explosion de l’Intelligence artificielle, menacer 25% des emplois du secteur d’ici 2025. Pour l’instant, les réductions d’effectifs dues à la concurrence digitale sont encore très modérées (- 0,6% en 2016), mais les banques vivent dans la crainte d’un choc technologique majeur. Si l’on ajoute les services de paiement et de portefeuille électronique (Apple et Facebook), la parfaite connaissance du client via l’avance prise dans la maîtrise des données (Google et Facebook), leurs avancées dans le conseil financier (Amazon et surtout le géant chinois Alibaba) et les services juridiques, les GAFA font peur. D’autant plus que les taux d’intérêt sont bas, qu’ils le sont pour longtemps et que les banques ont donc moins de marges de manœuvre pour se transformer. Clairement, leur modèle économique est violemment percuté par les GAFA et les taux d’intérêt réduits, et si les banques n’inventent pas une autre relation client, les effectifs vont en pâtir. Même des non GAFA les concurrencent, comme Orange, qui va devenir en 2017 le premier opérateur télécoms à se lancer dans la banque.
La question centrale est celle de la nature des embauches…
En conséquence, le BIPE a élaboré quatre scénarios d’ici 2025 qui vont de la mainmise des GAFA sur toute l’intermédiation bancaire à une surenchère des banques et leur arbitrage en faveur du tout technologique. Et dans tous les cas, ce qui apparait, quelles que soient les stratégies choisies, c’est que les trois grandes familles des métiers de la banque vont être bouleversées : les forces de vente, les fonctions support et les métiers du traitement des opérations. Le BIPE a isolé les 27 compétences nécessaires dans ces trois métiers et les a testées dans les quatre scénarios en partant du principe que les GAFA, qu’ils gagnent ou non la guerre de la banque, bouleversent déjà la chaîne de valeur du secteur et la relation client. Dans le scénario d’une victoire des GAFA,
« 80% des effectifs sont exposés quant à leurs compétences cœur de métier et ce sont 25% des postes d’aujourd’hui qui pourraient s’avérer obsolètes d’ici 2020. Dans le scénario inverse, celui de la contre-attaque technologique des banques, toujours avec l’hypothèse selon laquelle 80% des effectifs seraient exposés sur leurs compétences cœur de métier, ce sont 20% des postes d’aujourd’hui qui pourraient s’avérer obsolètes »(2).
Mais là aussi il est impossible d’anticiper précisément car ces réductions pourraient être pour partie compensées par la croissance des besoins dans d’autres fonctions, en particulier pour les chargés de clientèle professionnels / entreprises et les conseillers en patrimoine, ce qui faciliterait le repositionnement de certains collaborateurs. Et il y a d’autres inconnues : les banques essaient de récupérer les technologies de la blockchain (ce qui leur ferait faire quelques dizaines de milliards d’économies dans leurs coûts de transaction d’ici 2020), elle se lancent, un peu contraintes et forcées par les directives européennes comme par les exigences des clients, dans les API (de nouvelles technologies de protection pour favoriser l’open banking), lancent des plans de transformation digitale et des plateformes pour les développeurs externes, financent les start-up de la fintech, pour innover plus vite que les GAFA, etc. Les effets de ces investissements, a priori positifs pour l’emploi, sont absolument incalculables aujourd’hui.
… et de la blockchain
C’est pour cela que l’hypothèse la plus probable en Europe d’une baisse annuelle des effectifs de l’ordre de 5% d’ici 2020 est a priori juste, mais qu’elle peut ne jamais se réaliser. D’autant que plus de 42 000 personnes devraient partir à la retraite d’ici 2025, dont 18 800 entre 2017 et 2020 en France. En clair, la banque a potentiellement les capacités d’investissement dans les nouvelles technologies de la finance ainsi que le volant nécessaire pour embaucher intelligemment en fonction des impératifs technologiques. L’impératif du changement lié aux technologies étant, selon les enquêtes du BIPE, accepté par tous, les RH et le recrutement sont la priorité numéro un des banques. Le BIPE et l’Observatoire des métiers de la banque indiquent donc que c’est l’agilité managériale des banquiers qui va devenir essentielle. La condition, c’est d’être pertinent dans la recherche des nouvelles compétences d’ici 2025, année où la blockchain sera massivement adoptée dans le monde et aura révolutionné les échanges commerciaux et financiers de manière encore plus radicale qu’Internet.
- Pour approfondir : Comment Crédit Agricole tire parti de son incubateur parisien Village by CA, L’Usine Digitale, 17 février 2016