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6 – Intelligence Artificielle, tsunami annoncé….

La révolution technologique entrainée par l’Intelligence Artificielle sera bien plus importante que celle du digital. Mais il est totalement impossible de prévoir ses conséquences sur le travail tant elle se développe de manière aussi exponentielle qu’inattendue.

L’Intelligence Artificielle ? C’est la revanche de Microsoft. La firme de Bill Gates a déposé l’année dernière plus de brevets en Intelligence Artificielle que chacun des GAFA. Depuis trois ans, elle en a déposé 103 (dont les deux tiers en 2016), alors que Google n’en déposait « que » 80, Facebook 28, Amazon 23 et Apple 10. C’est un enjeu majeur pour les GAFAM qui représentent la majeure partie des 4,2 milliards de dollars investis en 2016 dans la recherche et le développement sur l’Intelligence Artificielle. Déjà les assistants personnels virtuels comme Siri (Apple), Cortana (Microsoft), Alexa (Amazon), Viv (Samsung) et Now (Google) fonctionnent et vont devenir de plus en plus sophistiqués. C’est un enjeu pour les GAFAM, mais peut-être un risque majeur pour l’emploi. Car comme l’a expliqué le chirurgien et chef d’entreprise Laurent Alexandre dans une récente audition devant le Sénat, si « les robots pourront remplacer les emplois peu qualifiés, l’intelligence artificielle, elle, remplacera les emplois très qualifiés. Il faudra donc trouver une nouvelle place pour certaines professions, même celles, plus inattendues, qui demandent une forte qualification : un radiologue, par exemple, sera remplacé aisément par l’IA avant 2030. L’IA va entraîner la reconversion de métiers à haut contenu cognitif. Un médecin, tout empathique qu’il soit, ne pourra pas faire le poids face à la masse de données que représentera un patient : 20 téraoctets de données par malade, avec la médecine personnalisée qui prend de plus en plus de place, cela ne peut plus être une consultation médicale au sens où on l’entend aujourd’hui ».
Son intervention au Sénat (1), durant laquelle il a expliqué que l’Europe pourrait perdre sa souveraineté numérique et devenir une « colonie numérique » des géants du web américain et asiatique, a fait un tabac sur les réseaux sociaux. Il faut dire qu’il sait manier la formule :

 

« En 4 ans les 55 petits génies de WhatsApp ont créé 23 milliards de dollars de valeur, tandis que les 130 000 valeureux travailleurs de Peugeot en ont créé moitié moins en faisant les 3x8 depuis plus d’un siècle. C’est la réalité de la création de valeur de l’intelligence artificielle et de l’algorithme. Si nous n’y participons pas, la paupérisation de la population européenne est inévitable. »

« La formation continue est un devoir, pas un luxe ! »

Le grand secteur d’expansion de l’Intelligence Artificielle, pour Microsoft et Google d’abord, c’est la médecine. Les NBIC, qui représentent la combinaison des nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives, ont pour principale caractéristique d’être des technologies qui évoluent de manière exponentielle et donc de manière très imprévisible. C’est la méconnaissance de leurs progrès qui a d’ailleurs récemment énervé Luc Ferry en lançant qu’« un médecin (qui) se vante d’ignorer ce que signifient les « NBIC » (…) ferait mieux de retourner à la fac ou de changer de métier (…) Tant que nos médecins ignoreront les nouvelles technologies NBIC, nous serons en danger. La formation continue est un devoir, pas un luxe ! »

Le magazine Wired a publié un numéro en juin 2016 annonçant « la mort du code » (2). Il décrivait une évolution où, avec les machines apprenantes, les seules et rares compétences demandées à l’être humain seront un très haut niveau de connaissances mathématiques et l’intuition de ce que l’on peut demander et recevoir de la machine. Comme le dit Demis Hassabis, patron de l’Intelligence Artificielle chez Google, « seule une centaine de personnes dans le monde a aujourd’hui ces deux compétences ».

L’intelligence artificielle inquiète. Non seulement nul n’est capable de prédire ses avancées et donc ses conséquences sociales, mais personne ne sait exactement la définir.

« La difficulté (et la beauté) de l’intelligence artificielle est qu’il ne s’agit pas d’un arbre bien ordonné, mais plutôt d’un buisson. Une branche pousse plus vite que l’autre et se trouve sous les feux des projecteurs, puis c’est le tour d’une autre, et ainsi de suite. Certaines branches se croisent, d’autres non, certaines sont coupées et de nouvelles apparaîtront », explique Tom Morisse, en charge du dossier chez Fabernovel (3).

Le mathématicien français Cédric Villani le confirme : « toutes les intelligences artificielles qui existent aujourd’hui, restent des intelligences artificielles très spécialisées. Même celle qui sait jouer au go mieux que n’importe qui, est incapable d’accomplir les tâches les plus banales de la vie courante. La question d’une intelligence artificielle généraliste, même pas très maligne, mais qui serait capable de faire un peu tout, est encore grande ouverte. Certes, les performances de ces machines sont impressionnantes. Mais regardez la débauche de moyens, par rapport à ce qu’on peut faire avec un cerveau » (4). Ce n’est qu’une question de temps, cela dit : la voiture autonome a des contrecoups mais elle existe. De même que probablement les machines qui soigneront les maladies mentales (5) ou les robots enseignants.

L’emploi ? Personne ne sait…

En revanche, il est certain que l’intelligence artificielle va, des banques à la santé ou encore de l’automobile à l’alimentaire, redéfinir le fonctionnement de l’entreprise et les rapports au travail. Rapidement. L’Intelligence Artificielle est en effet le meilleur moyen, pour une entreprise, de connaître les demandes de ses clients et de s’y ajuster en permanence. L’hyperpersonnalisation est rendue possible par la machine, selon le cabinet Accenture : Philips cherche actuellement à

« transformer les soins de santé en une expérience connectée et globale intégrée à la vie de chacun, (…) le brasseur londonien IntelligentX Brewing Company a développé un système d’intelligence artificielle pour collecter en permanence les retours des consommateurs et les intégrer ensuite dans le brassage de nouvelles bières (…) et dans les Minute Clinics de CVS Health, les clients peuvent se faire soigner pour des infections mineures, vacciner contre la grippe, contrôler leur taux de cholestérol et bénéficier de nombreux autres services médicaux, tout cela en prenant rendez-vous et en réglant en ligne ».

Conséquence évidente sur l’emploi selon Accenture (6) : dans les banques, par exemple, l’intelligence artificielle, avec la connaissance précise des clients, est attendue pour augmenter la productivité et améliorer le rapport coût-efficacité. (7)

Avec l’explosion de l’Intelligence Artificielle, la question devient donc « à quoi sert un conseiller financier ? ». Chez IBM, avec les possibilités offertes par le super-ordinateur Watson (8), Nicolas Sekkaki dit « dégager du temps pour les conseillers et l’amélioration de l’expérience client, prenant en exemple une technologie d’IA qui prépare en amont les réponses aux courriels envoyés par les clients. Préparer, mais pas remplacer… Watson ne peut pas tout faire, tout seul » (9). Ça ne devrait donc pas détruire d’emploi, disent IBM, Accenture et les banques. Les concurrents des banques et Facebook en premier lieu, qui se lancent sur le paiement digital et dans l’intelligence artificielle en même temps, disent la même chose (10). Tout le monde s’engouffre en tout cas sur le même créneau et la concurrence va être féroce.

 

Mis à jour le 10 juillet 2018 • Publié le 10 juillet 2018

Mis à jour le 09 juillet 2018 • Publié le 09 juillet 2018

Mis à jour le 25 janvier 2018 • Publié le 25 janvier 2018