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Marché du travail

Des métiers « cools » dans des organisations déshumanisées

D’un côté quelques métiers d’avenir séduisants et bien payés qui émergent. De l’autre des emplois de plus en plus atypiques et des organisations désincarnées. Quelques livres en revue.

Le métier le plus cool du monde 

Data scientist, c’est « LE » métier que tous les magazines américains vendent et survendent comme le métier qu’il faut faire, comme étant « le plus cool du monde ». 100 000 dollars par an pour un bon programmateur en début de carrière, 200 000 pour le même plus expert. C’est un métier hors contrôle, tant les entreprises sont actuellement prêtes à payer à prix d’or ces compétences. La France connait un phénomène semblable sur le fond, mais pas sur les montants explique Gilles Babinet dans son dernier et excellent livre sur les Big Data. Mais on ne forme aux métiers des données (data miner, data analyst, data manager…) que depuis 2012 en France, ce qui explique que les entreprises en cherchent de plus en plus sans en trouver. Elles ont besoin de spécialistes des Data comme des chercheurs d’or : le Big Data peut être « la discipline capable de faire apparaitre un éléphant au milieu des données. En d’autres termes, les projets de Big Data sont des projets de rupture, car les découvertes que l’on fait en analysant les données sont parfois loin de ce que l’on espérait trouver, ou même chercher, au départ ». Le livre du « Digital Champion » qui représente la France auprès de la Commission européenne ne porte pas bien sur les métiers du Big Data mais il essentiel pour comprendre cette rupture majeure de la collecte des données et comment chacun peut s’y préparer.

Big Data, penser l’homme et le monde autrement. Gilles Babinet. Le Passeur. 250 pages. 20.50€

10 millions d’atypiques

Qu’est-ce qu’un emploi atypique ? Peut-on recenser toutes les formes qu’ils prennent ?  Pourquoi certains sont en pleine expansion et d’autres non ? Quel intérêt ont-ils ?  C’est à toutes ces questions que Christophe Everaere, professeur de gestion à Lyon III s’est attelé. C’est le premier travail de ce type. Et le résultat est assez impressionnant si l’on additionne les salariés prêtés, ceux qui travaillent en régie, les stagiaires, les autoentrepreneurs, tous les emplois aidés etc. Christophe Everaere a tout recensé, en prenant toutes les activités professionnelles possibles qui n’étaient pas en CDI.  Et sur cette définition très large il estime que le tiers de la population active, entre 8 et 10 millions de personnes, ont un emploi atypique. Et pour la plupart ce n’est une situation choisie en particulier en bas de la hiérarchie salariale : le temps partiel est ainsi très largement subi chez les ouvriers et très largement choisi chez les cadres. Christophe Everaere met aussi en évidence que les formes les plus novatrices d’emploi atypique,  comme le prêt de salariés d’une entreprise à une autre pour faire face à des retournements d’activité son très peu utilisées. Il trouve la situation relativement paradoxale et les Groupements d’Employeurs trop peu répandus. Dans un très long et intéressant entretien au site Metis il estime qu’il n’y en aurait en France que 35 000 salariés concernés pour environ  4 500 Groupements. « C’est d’autant plus paradoxal que les groupements d’employeurs sont l’une des rares formes d’emploi atypique approuvées par la quasi-totalité des partenaires sociaux ». Mais pour lui, « le processus de mutualisation auquel renvoie le GE est contraignant pour les entreprises utilisatrices. Ce dispositif nécessite en effet une certaine anticipation et coordination pour organiser le partage de la personne, sans compter le devoir de responsabilité solidaire des adhérents en cas de difficulté de l’un d’eux.»

http://www.metiseurope.eu/emplois-atypiques-nouvelles-tendances_fr_70_art_30116.html

Les emplois atypiques. Quelles réponses au besoin de flexicurité? Christophe Everaere. Liaisons sociales. 164 pages, 25 €

Déshumanisation du travail

« Moi j’ai affaire à des psychotiques. C’est du lourd quoi…Mais ce n’est pas la maladie mentale qui est dure à vivre dans mon métier. C’est le management ». C’est sur cet entretien avec un infirmier d’hôpital psychiatrique que s’ouvre le livre de la sociologue Marie Anne Dujarier. Marie Anne Dujarier est une sociologue importante qui a publié il y a 10 ans « L’idéal au travail » et qui, là, s’intéresse à tous ces consultants ou cadres de grandes organisations qui planifient le travail, « la performance des entreprises et des services publics au moyen de plans abstraits, élaborés bien loin de ceux et de ce qu’ils encadrent ».

Ils standardisent, évaluent, benchmarkent, informatisent… bref, ils déshumanisent et désincarnent. Elle étudie ce management inhumain qui vide l’organisation du travail de tout sens et qui, superbe formule, « instaure un rapport social sans relations ».

Le Management désincarné. Marie-Anne Dujarier. La Découverte. 252 pages. 18.50€

Savoir rebondir

Le « rebond » professionnel est aujourd’hui plus subi que voulu. Daniel Brechignac essaie de donner dans son livre des  repères nouveaux pour faire face et gérer la rupture du contrat de travail, contrainte ou non. Et il décrit ce qu’il souhaiterait mettre en place, une sorte « d’incubateur de rebond professionnel » informel et fondu dans l’entreprise, animé directement par les dirigeants et les salariés en activité. C’est une tentative pour penser ce moment, choisi ou non, dans lequel le salarié n’a plus aucun soutien de son entreprise (alors qu’elle aurait la responsabilité sociale de la faire) et peu de la collectivité et c’est truffé d’exemples et d’études des nouvelles formes de travail.

Rebondir efficacement dans sa vie professionnelle. Daniel Brechignac. Jacques Marie Laffont éditeur. 222 pages. 22€

Mis à jour le 27 juin 2022 • Publié le 27 juin 2022

Mis à jour le 31 mars 2022 • Publié le 31 mars 2022