Marché du travail
Jeunes : une autre vision du travail
Selon l’Insee, le diplôme et l’origine sociale restent des facteurs très discriminants dans l’insertion professionnelle des jeunes.
Publié le 19/04/2018
L’insertion professionnelle des jeunes est de plus en plus difficile mais paradoxalement ces derniers ne s’inquiètent pas de leur avenir professionnel. C’est ce qui ressort de l’édition 2018 de Formation et emploi de l’Insee. Le phénomène s’explique par la conjoncture, mais pourrait bien être également le signe d’une transformation plus durable des modalités d’emploi des jeunes.
L’étude a comparé la situation des jeunes entre 1992 à 2010, cinq ans après leur entrée dans la vie active. Bonne nouvelle, la génération 2010 compte 16% de titulaires de diplômes à bac+5 ou de docteurs, contre seulement 9% pour la génération 1992. En revanche, l’accès rapide à un CDI reste une gageure pour la plupart des jeunes et la part de ceux qui restent durablement en emploi via des contrats à durée limitée payés au-dessus de 110% du SMIC (soit deux tiers du revenu médian) est élevée.
Le diplôme, un passeport pour l’insertion
L’étude montre que les jeunes les moins diplômés sont les plus impactés par l’évolution du marché du travail : près de la moitié d’entre eux sont au chômage ou inactifs cinq ans après leur sortie du système scolaire, contre moins d’un sur dix pour les diplômés du supérieur. « Cet écart, massif, a doublé en comparaison de celui qui prévalait pour les générations arrivées sur le marché du travail en 1992 ou en 1998 », souligne l’auteure de l’étude, Virginie Mora, du Centre d’études et de recherches sur les qualifications.
Un constat corroboré par le dernier baromètre de l’Apec : 94% des jeunes diplômés niveau Bac+5 qui ont fini leurs études en 2016 ont déjà occupé un premier emploi 12 mois après l’obtention de leur diplôme, soit une hausse de deux points par rapport à 2015. Pour Jean-Marie Marx, directeur général de l’association, « les jeunes profitent d’un marché de l’emploi cadre particulièrement porteur, où tous les indicateurs sont au vert. Le diplôme reste donc un bon passeport pour l’insertion professionnelle ».
Néanmoins, si les derniers chiffres de l’Apec illustrent une meilleure insertion et de meilleures conditions pour les jeunes diplômés sur le marché du travail, l’étude rappelle « qu’un quart considère tout de même leur emploi comme un « job alimentaire », occupé en attendant de trouver un poste qui corresponde davantage à leur diplôme et à leurs aspirations ».
Un autre rapport au temps
Selon l’Insee, l’origine sociale est « elle aussi devenue plus discriminante qu’auparavant ». Au sein de la génération 1992, 13% des enfants de cadre(s) et 21% des enfants d’ouvrier(s) ou employé(s) étaient au chômage ou inactifs cinq ans après leurs études. Ces chiffres passent respectivement à 12% et 26% pour la génération 2010.
Pourtant, si les conditions d’intégration sur le marché du travail se sont dégradées ces dernières années, les jeunes d’aujourd’hui se déclarent à la fois plus satisfaits de leurs parcours et moins inquiets par rapport à leur avenir. Pour l’auteure de l’étude deux explications peuvent être avancées. D’une part, la « banalisation du regard ». « Les jeunes de la génération 1992 ont, pour beaucoup, assisté au développement du chômage et des formes particulières d’emploi pendant l’enfance ou les études, quand, pour la génération 2010, ces éléments ont, d’une certaine façon, toujours fait partie du paysage », explique Virginie Mora. D’autre part, « l’émergence d’un autre rapport au temps, plus détaché des difficultés passées ou présentes que ce n’était le cas il y a deux décennies ».
N.S.