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Innovation

La lente transformation de l’emploi dans l’Est parisien

Entrainées par Paris, les communes de l’Est parisien ont créé l’Arc de l’Innovation pour rééquilibrer la création d’emploi traditionnellement beaucoup plus forte à l’Ouest. Premiers résultats positifs, reste à trouver la bonne adéquation entre la nature des emplois et les formations des résidents.

L’Arc de l’Innovation est une initiative assez originale sur la manière de rééquilibrer les créations d’emplois au sein d’une métropole mondiale. La Ville de Paris, Plaine Commune (un établissement public qui regroupe les 9 grandes villes de l’ouest de la Seine St Denis), Est ensemble (un autre établissement qui en regroupe 9 autres du département plus à l’est) et Grand Orly Seine Bièvre (24 villes de l’Essonne et du Val de Marne), ont lancé en 2015 une stratégie de développement économique pour créer de l’emploi à l’est et rééquilibrer la Métropole en encourageant une économie de l’innovation.

Fin 2018, 25 millions d’euros avaient déjà été investis pour créer plus de 300 000 m2 de lieux innovants (incubateurs, fab labs, instituts de recherche…), et une communauté de 600 acteurs (grands comptes, entrepreneurs, chercheurs, universitaires, artisans…) s’est fédérée.
L’objectif : changer l’image de l’est de Paris et en faire un terrain d’opportunités, principalement dans les quartiers prioritaires de la ville (65 des 150 quartiers de la métropole sont sur ce territoire).

« Les quartiers prioritaires de la ville ont par nature plutôt une fonction résidentielle et sont peu pourvus en emplois. »

L’Insee et l’Apur (L’Atelier parisien d’urbanisme) viennent d’étudier la manière dont s’est développé l’emploi dans cet Arc de l’Innovation (1). Pas facile, car les quartiers prioritaires de la ville ont par nature plutôt une fonction résidentielle et sont peu pourvus en emplois. Par conséquent, s’y développent depuis des décennies une très forte proportion d’emplois relevant de la sphère présentielle, qui représentent jusqu’à 90% des emplois dans certains quartiers du centre de Saint-Denis ou de Bobigny. Mais de manière générale, ce sont les emplois de l’administration publique, de l’enseignement, de la santé et de l’action sociale qui sont surreprésentés dans ces trois territoires : 42 % des emplois salariés des quartiers, contre 24 % dans la Métropole, sont des emplois de la sphère publique. Après viennent les emplois de la construction qui sont également très représentés. A l’inverse des emplois scientifiques ou techniques qui, hormis depuis peu sur le territoire de la Cité Descartes dans le 19ème arrondissement de Paris, sont sous-représentés.

L’Insee et l’Apur ne répondent pas directement à la question de savoir si les stratégies économiques développées dans l’Arc de l’Innovation ont déjà eu un véritable effet. Mais les trois chercheurs montrent que l’emploi salarié est en hausse dans les communes de l’Arc comptant un quartier prioritaire de la ville et surtout qu’il change de nature. A Gentilly, Romainville, Alfortville et Saint-Denis et, dans une moindre mesure, à Villejuif et Saint-Ouen, avant 2015, cette croissance existait déjà mais elle était due à l’implantation de services publics administratifs. Depuis, les emplois se transforment sous l’effet du renforcement des pôles numériques dans le nord parisien et de l’essor de l’activité dans les secteurs créatifs du design, des jeux vidéo, du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle vivant. Non seulement ce ne sont plus des emplois administratifs mais, et c’est là une spécificité de l’Arc de l’Innovation, l’économie solidaire semble devenir un moteur de l’emploi.

La moitié des lieux d’innovation de l’économie solidaire de la Métropole sont d’ailleurs localisés dans l’Arc : 53 % des incubateurs, pépinières ou accélérateurs, des ateliers de fabrication numérique et des espaces de coworking de la métropole du Grand Paris y sont concentrés, soit plus de 600 lieux dédiés à l’innovation, dont 100 en quartier prioritaire. La dynamique de création d’établissements, portée essentiellement par le régime du micro-entrepreneur, y est d’ailleurs plus forte qu’ailleurs dans toute la Métropole.

Reste un souci : si la situation est globalement équilibrée en volume dans l’Arc de l’innovation (autant d’emplois que d’actifs), la structure des emplois diverge de celle de la population active. En clair les emplois qui se créent ne correspondent pas forcément à la formation et aux compétences des résidents. C’est particulièrement visible pour les cadres et professions intermédiaires : les emplois restent inférieurs au nombre des actifs résidents possédant ce niveau de qualification et cet écart est encore plus marqué dans la partie parisienne de l’Arc, où les cadres et professions intellectuelles supérieures sont prédominants parmi la population active résidente (44 %), alors que les emplois de cadres n’atteignent pas un tiers. À l’inverse, à Plaine Commune, les emplois de cadres sont très présents alors que la majorité des actifs résidents sont employés ou ouvriers.

J-P.G.

(1) Les dynamiques de l’emploi et de l’activité économique au sein de l’Arc de l’Innovation. Par Marina Ribeiro et Sandra Roger (Apur) et Françoise Jacquesson, Insee Île-de-France.

Mis à jour le 27 juin 2022 • Publié le 27 juin 2022

Mis à jour le 31 mars 2022 • Publié le 31 mars 2022