Innovation
Le coworking bien plus qu’un lieu, un état d’esprit
Travailler au sein d'une communauté afin de rompre avec son isolement professionnel : tel est l'objectif du coworking, réel facteur d'insertion ou de réinsertion dans le monde du travail.
Publié le 26/10/2015 • Mis à jour le 10/05/2022
Né à la fin des années 90 aux Etats-Unis, le coworking connaît un essor sans précédent dans l’Hexagone, depuis son arrivée au début des années 2010.
Son principe est simple : créer un espace de travail chaleureux, pouvant accueillir des freelances, des indépendants et même des PME ou TPE, et encourageant l’échange et l’ouverture entre les travailleurs issus de milieux similaires ou totalement éloignés.
Se confronter à d’autres métiers
« Notre espace s’ouvre à tous ceux qui viennent de quitter leur emploi et qui souhaitent se lancer seul, explique Damien Cahen, gestionnaire de « Le Tank » à Paris, l’un des premiers espaces ouverts. Chacun peut se confronter à d’autres métiers, pas uniquement dans son unité. Nous essayons au maximum de mélanger les talents au sein de notre espace, et de voir naître des projets partagés. »
Le Tank s’adresse essentiellement au secteur du numérique, et accueille notamment des développeurs, graphistes, producteurs de contenu, communicants ou des personnes cherchant à monter des médias.
Si en 2011, l’espace comptait dix postes de travail, il accueille désormais une centaine de personnes sur 1000 m2, répartis sur cinq étages, comprenant des espaces dédiés aux rencontres, une cafétéria ou encore des lieux de type agora.
La Ruche est née sensiblement au même moment. Plus qu’un simple espace de coworking, elle se positionne désormais comme un lieu de croisement entre un incubateur de start-up et un espace de travail partagé.
Développer son réseau
En plus de proposer le lieu le plus favorable pour travailler ensemble (à Paris et Marseille notamment), ses gestionnaires assurent un suivi collaboratif aux coworkers, mettant en commun leurs ressources et leurs contacts gratuitement. Une aubaine pour les coworkers désireux de faire fructifier leurs activités ou trouver de nouveaux contacts ou contrats.
Car l’un des objectifs du coworking réside bien dans le développement de son réseau et dans l’offre d’opportunités différentes. « Il est fréquent que nos coworkers répondent à des appels d’offres en commun, mettant en rapport leurs compétences » assure Damien Cahen.
S’il y a encore quatre ans, le phénomène n’était que parcellaire, il est devenu une véritable tendance. « On dénombre 340 espaces de coworking en France, dont un tiers en région parisienne, assure Nathanaël Mathieu, dirigeant de LBMG Worklabs, entreprise consacrée aux nouveaux modes de travail. Le maillage de ces espaces est intéressant et atteint désormais les villes moyennes. »
Les formats innovants se multiplient aussi : du coworkcrèche, permettant de venir avec ses enfants, au cowork culinaire, pour les amoureux de la cuisine, en passant par les espaces spécialisés, comme Ici Montreuil, tourné vers la production sur des imprimantes 3D. Monpremierbureau.com se tourne exclusivement vers des personnes en recherche d’emploi.
Monter en compétence
Draft, Les Ateliers connectés, eux, proposent un espace de travail partagé, complété par un atelier, équipé de machines très coûteuses, comme des imprimantes 3D, des machines à coudre, un atelier bois ou de l’électronique. « Les gens peuvent travailler sur un projet tangible, réel, passer en production de petites ou moyennes séries chez nous » explique Anne, sa dirigeante.
Les gestionnaires proposent ainsi de former les personnes sur l’utilisation des machines, de les faire monter en compétence, et les rendre autonomes. Un atout pour une meilleure insertion professionnelle.
Ouvert aux professionnels et aux étudiants, Draft fait partie des lauréats du budget participatif de la mairie de Paris, qui entend mettre l’accent sur ce nouveau type de travail. « On essaie d’être à l’image des changements du monde du travail, avec moins de hiérarchie que dans l’entreprise » explique Damien Cahen.
Les nouvelles générations, essentiellement, n’entendent plus rester toute leur vie dans la même entreprise et ne le peuvent pas face à un marché du travail fluctuant. « Ils ont besoin de retrouver des valeurs communes, de partage, de lien avec les gens » estime Julia Domini, responsable de La Ruche.
Pour Nathanaël Mathieu, travailler en coworking est avant tout un état d’esprit : « on fait le choix d’y aller, de s’ouvrir à des personnes différentes, à rompre avec l’isolement. » La gérante de Draft va même plus loin et assure « vouloir réinventer l’entrepreneuriat collectif. »
Les grands groupes intéressés
Cette tendance finit même par gagner le monde de l’entreprise. « Les groupes comme L’Oréal, BNP Paribas, regardent notre concept avec intérêt, explique Damien Cahen. Les dirigeants se demandent comment faire travailler leurs salariés, comment faire pour qu’ils soient plus créatifs et entreprenants. »
De ce besoin de renouveau des grandes entreprises est née la filiale de Bouygues Immobilier, Nextdoor. Son principe ? Accueillir tout type d’entreprises et de travailleurs dans un endroit convivial et ainsi permettre de lever toutes les contraintes financières et de gestion des groupes.
Cette « maison de jour » accueille des entreprises de 15 à 50 personnes venues se domicilier dans l’espace ouvert à Issy-les-Moulineaux, des PME et start-up et des freelances qui viennent pour monter leur entreprise. « Notre groupe s’occupe de tout pour les entreprises au sein d’une communauté, et le tout pour un coût moindre, inférieur de 30% à un bail traditionnel, précise Philippe Morel, son président. Les modes de travail changent et des grands groupes, comme des indépendants ou des personnes en reconversion, s’adaptent pour aller vers davantage de créativité, d’idées et d’innovations. »
Barbara Leblanc