Société
Les nouvelles inconnues de la robotisation des emplois (2)
Les robots ne remplaceront pas forcément les emplois que l’on croit, les emplois numériques peuvent être pérennes, l’automatisation pose d’abord la question de la formation par exemple. Les robots sont au centre des débats de 2017. 6 nouvelles questions apparues ces dernières semaines.
Publié le 19/04/2017 • Mis à jour le 17/03/2022
4 – Et si les robots faisaient muter les métiers plus qu’ils ne les remplacent ?
C’est en tout cas l’hypothèse envisagée par le McKinsey Global Institute dans le rapport qu’il vient de publier «A Future That Works : Automation, Employment, And Productivity»(1). Si le cabinet de conseil estime que près de 60% des emplois pourront, à terme, être automatisés à hauteur de 30%, McKinsey s’attend plutôt à une mutation de ces métiers qu’à leur disparition pure et simple. Pour le cabinet, c’est l’hébergement et la restauration qui présentent le plus fort potentiel d’automatisation dans les années à venir, à hauteur de 73%. L’industrie a un potentiel d’automatisation de 60%, l’agriculture de 58%, le transport et de la logistique de 57% et le commerce de détail de 53%. Ce sont, dans l’ordre, les 6 secteurs les plus menacés.
Mais dans le même temps McKinsey publie un tableau de tous les emplois qui ne pourront être automatisés(2).
5 – Et si tous les robots étaient chinois ?
En 2016, les États-Unis ont battu leur record de production de biens manufacturés. Mais l’important, selon le New York Times, est que ce record a été battu avec moins de travailleurs. Beaucoup moins même puisqu’en 2016, les États-Unis ont produit 85% de biens en plus qu’en 1987 avec un tiers de travailleurs de moins qu’il y a trente ans. Dans certains secteurs, c’est particulièrement flagrant, comme dans la sidérurgie, qui a perdu 400 000 personnes de 1962 à 2005, soit 75% de ses effectifs, mais qui a aujourd’hui une production égale à celle de 1962 grâce à l’automatisation et une nouvelle technologie(2). Des économistes américains de l’université d’Indiana viennent ainsi de publier une étude macroéconomique montrant que les pertes d’emplois dans l’industrie manufacturière étaient dues pour 13% seulement à la concurrence et la mondialisation et que le reste venait de l’automatisation des processus de production
Le New York Times explique que ces emplois détruits ont été compensés par d’autres (le taux de chômage aux États-Unis est entre 4,5 et 4,7% actuellement), et que le souci est ailleurs : les robots qu’utilise l’industrie américaine sont essentiellement des robots chinois. En 2014, juste après que la Chine est devenue le plus gros producteur mondial de robots, le président chinois Xi Jingping a officiellement appelé à une « révolution des robots ». Le New York Times estime que d’ici 5 à 10 ans la Chine produira des robots d’aussi bonne qualité technologique que les robots allemands ou japonais, et en bien plus grand nombre. Le Financial Times a d’ailleurs consacré il y a quelques mois un dossier complet et conséquent sur cette « révolution des robots »(3).
3 https://www.ft.com/content/1dbd8c60-0cc6-11e6-ad80-67655613c2d6
6 Et si l’humain était la valeur ajoutée du robot ?
Paul Hermelin, le PDG de Cap Gemini, le géant français, estime qu’il y une part d’humain dans tous les processus de production qui est irremplaçable : « les progrès de l’intelligence artificielle, explique-t-il dans un long entretien aux Echos (1), vont avoir de véritables conséquences sur les tâches les plus répétitives (…) En quoi l’humain est-il irremplaçable ? (…) Précisément dans le contact humain, la relation avec l’autre (…) La machine n’a pas vocation à remplacer l’homme mais à l’aider pour lui permettre de se concentrer sur ce qu’il peut apporter comme valeur ajoutée. Un ordinateur pourra sans doute interpréter une radiographie de façon plus rigoureuse qu’un individu. Mais derrière le diagnostic technique, il faut encore un homme capable de comprendre des émotions et de communiquer de façon humaine. La vérité, c’est que comme toujours, le progrès technique va entraîner la disparition de certains emplois mais les créations d’emplois vont se déplacer vers de nouveaux secteurs. Airbnb fait de la concurrence aux hôtels et cela peut accroître le tourisme et les échanges, et donc avoir un impact positif sur l’emploi : autour d’Airbnb, tout un vivier d’emplois va se développer, de nouveaux services sont à imaginer, dans le nettoyage comme la conciergerie… »
L’enjeu pour lui, c’est l’éducation. « En 1970, la France comptait cinq fois plus de secrétaires que d’ingénieurs. Aujourd’hui, ils sont aussi nombreux les uns que les autres. Nous avons dû adapter notre système éducatif pour faire face. Aujourd’hui, il faut à nouveau repenser notre éducation, dans sa forme comme sur le fond. L’enjeu, c’est de bâtir un système qui permette d’assurer l’égalité des chances. Nos enseignements secondaire et supérieur sont de bonne qualité mais nous devons donner de nouvelles priorités au primaire ».