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Marché du travail

Quand l’apprentissage fait des émules

2018, année record pour l’apprentissage. L’engouement nouveau pour cette filière de formation pourrait connaître une accélération à la faveur de la réforme en cours.

L’apprentissage serait-il une valeur montante ? Longtemps considéré comme une voie de garage, cette filière de formation connaît depuis plusieurs mois un regain d’intérêt. En atteste les derniers chiffres émanant du ministère du Travail. Les entrées en apprentissage ont atteint un record : de juin 2018 à fin mars 2019, soit deux mois avant la fin de la campagne, 310 000 jeunes sont entrés dans le dispositif, selon les chiffres de la Dares.

C’est une hausse de 3,7% par rapport à la période de juin 2017 à mars 2018 et c’est déjà plus que le record établi en 2017-2018 de 306 700 nouveaux contrats. En 2018, le nombre d’entrées dans ce dispositif avait déjà connu sa plus forte hausse depuis 2009, de 7,7% par rapport à 2017. On comptait 317 556 nouveaux apprentis, soit un retour à la situation de 2012. Mais le gouvernement entend transformer l’essai grâce à la libéralisation massive apportée par la loi « Avenir professionnel ».

« Selon le rapport annuel de performance de la mission « Travail et emploi », le taux d’insertion dans l’emploi des apprentis a progressé de plus de trois points en 2018 à 74,5%. »

Un big bang de l’apprentissage

Recul de l’âge d’entrée, rupture de contrats simplifiée, création plus simple de centres de formation d’entreprise… l’apprentissage vient de subir un sérieux toilettage avec la loi Pour la liberté de choisir son avenir professionnel, promulguée en septembre dernier. Les différentes mesures sont entrées en vigueur au 1e janvier 2019 et s’appliquent aux contrats souscrits après cette date. Elles ont d’abord pour objectif de lutter contre le chômage des jeunes.

Depuis début 2019, toute entreprise ou organisme de formation peut ouvrir un CFA. Il suffit de fournir une déclaration d’activité à la direction régionale du travail (Direccte) et de mentionner la formation en apprentissage dans ses statuts. La loi « Avenir professionnel » a également remis à plat le financement des centres de formation d’apprentis (CFA). Exit le circuit complexe et opaque de la taxe d’apprentissage. Désormais, chaque CFA touchera, via l’opérateur de compétences (Opco) de sa branche, une somme forfaitaire annuelle pour chaque jeune en contrat, basée sur le diplôme poursuivi. Ce mécanisme des « coûts contrat » se veut vertueux.

Plus l’offre de formation d’un CFA sera en phase avec la demande des entreprises, plus ses jeunes seront en contrat et plus le CFA touchera d’argent. Le montant, proposé par les branches professionnelles, est validé par France Compétences, la nouvelle agence nationale chargée de la formation. Dans la chimie, une année de BTS métiers de l’eau sera désormais financée à hauteur de 10 500 euros par étudiant. Le CAP charcutier traiteur sera, lui, pris en charge à hauteur de 8 196 euros par an. Les 11 opérateurs de compétences, organismes paritaires remplaçant les Opca, pourront moduler ces montants, à l’intérieur d’une fourchette, en fonction des priorités des branches (handicapés, CFA rural, métiers en tension). Début avril, on comptait 22 756 « coûts contrats » déjà publiés.

 

Les branches professionnelles en 1e ligne

Du côté des branches et des entreprises, c’est l’effervescence. « Le champ des possibles est totalement ouvert », indique Jean-Luc Bérard, le DRH de Safran. L’opportunité de créer un CFA intéresse au premier chef les industriels en manque de compétences et prompts à critiquer une offre de formation ne correspondant pas à leurs besoins. Compagnons du devoir, Maisons familiales et rurales, ou groupes privés, comme Accor, Adecco, Korian et Sodexo… les annonces se sont multipliées ces derniers mois.

Une insertion dans l’emploi plus facile

Selon le rapport annuel de performance de la mission « Travail et emploi », le taux d’insertion dans l’emploi des apprentis a progressé de plus de trois points en 2018 à 74,5%. Cette progression résulte d’une amélioration du taux d’emploi des 15-24 ans (+1,2 point en 2018) et de facteurs comme « une meilleure réussite des apprentis à l’obtention des diplômes » ou « une progression des apprentis qui suivent un cursus visant à l’obtention d’un diplôme de niveau supérieur ». « Cependant, ce taux global masque de fortes disparités de situations selon le niveau de diplôme préparé, le domaine de spécialité et bien sûr le contexte économique local », note le rapport. Si le nombre total de contrats d’apprentissage en cours se maintient au-dessus de 400 000, c’est du fait de l’augmentation du nombre d’apprentis suivant une formation dans l’enseignement supérieur. Leur nombre a triplé depuis l’an 2000 et dépasse aujourd’hui les 150 000. En revanche l’apprentissage régresse depuis plusieurs années pour les qualifications niveau bac et inférieures.

Alors, le renouveau de l’apprentissage ne sera-t-il qu’un feu de paille ou faut-il y voir une véritable lame de fond ? En 2017, la moitié des 15-24 ans se disaient prêts à se former dans ces conditions (*).

N.S.

(*) Enquête Elabe pour l’institut Montaigne et le JDD

Mis à jour le 27 juin 2022 • Publié le 27 juin 2022

Mis à jour le 31 mars 2022 • Publié le 31 mars 2022